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  • Crédit: Isaac Lane Koval

Sauvez mon âme!

« Un esprit sain dans un corps sain. » Cette citation d’origine latine est plus actuelle que jamais dans le domaine du voyage. Purifier son esprit et détoxifier son corps vont aujourd’hui de pair. Et la tendance se développe doucement au Québec.

C’est que les besoins des voyageurs ont changé : le confort n’est dorénavant plus le seul critère principal de sélection. En quête de retour aux sources dans un monde en constante évolution, on choisit une destination pour son potentiel à bousculer nos habitudes quotidiennes… et le changement doit être rapide, voire radical.

Pour répondre à cette demande où vacances riment avec dépassement de soi, de nouvelles formules voient le jour : comme les camps d’entraînement intensif. Les hommes d’affaires sont souvent de fervents adeptes de ces bootcamps démilitarisés, qui demandent de 5 à 10 heures de labeur physique par jour. Les femmes ont évidemment leurs propres camps de torture : en Écosse et en Espagne, The Camp est consacré à la perte de poids au féminin, avec un programme multiactivité de fitness en plein air; vélo de montagne, cardio, cours d'autodéfense et autres activités mettant à l’épreuve le mental dans des cadres plus ou moins idylliques. Pour Chantal Neault, analyste pour le Réseau de veille en tourisme de l'UQAM à Montréal, cette approche est moins courue chez nous : « Les Québécois sont plus portés sur le ressourcement, la paix, l’idée de se refaire des forces ». La randonnée est donc aussi présentée par les agences de voyages comme étant un moyen de se purifier le corps, mais également l’esprit.

Le spa Balnea, à Bromont, propose un semblant de bootcamp sous forme de programme santé avec randonnées guidées, un plus par rapport aux offres traditionnelles des spas. Mais s’il y a une formule qui incarne peut-être la mouvance québécoise en la matière, c’est celle de Nancy Gingras, dans la région de Portneuf. Il y a un an, elle a lancé Jeûne et randonnée Québec, après une formation dans les Cévennes où elle a appris les techniques du jeûne, fort populaire en France : « Les gens viennent pour un nouveau départ, arrêter de fumer par exemple ou changer leur alimentation. On dit qu’une semaine de jeûne c’est une désintoxication d’un an, autant pour le mental que pour le corps ». L’idée peut paraître folle (marcher sans manger!) et pourtant, beaucoup de femmes sont séduites par cette forme de purge. On se nourrit de boissons (tisanes et bouillon de légumes) et on perd en général 7 à 8 % de son poids. Une purge de l’âme également : ces marches de cinq à six heures par jour en buvant de l’eau. À 64 ans, Renée Dionne termine sa semaine de jeûne : « Je suis tellement surprise de faire 10 km par jour sans manger, alors que je me sens très bien et que je ne sens même pas la faim! On a peur au départ, car c’est l’inconnu. Et puis il faut se laisser aller, accepter. Cette expérience m’a apporté une grande paix intérieure, une libération! » Sa sœur Danielle connaît bien le jeûne pour s’y être intéressée après une chimiothérapie : « Pour moi, c’est le quatrième jour qui a été dur. Il y avait 1,6 km de montée et j’ai ressenti les mêmes symptômes que pendant mon traitement. J’avais le cerveau encombré et je devais me nettoyer émotionnellement. La descente m’a aidé à faire des deuils, pour y récupérer une plus grande clarté mentale. »

Dans notre vie moderne qui va à 100 à l’heure avec peu de pauses, le ressourcement devient un besoin pressant, qui passe parfois par le recueillement et même la quête de spiritualité. Anne Godbout a créé il y a sept ans Spiritours, la seule agence québécoise de « tourisme spirituel » : « Notre mission est de permettre à des individus de s’arrêter, de faire le point dans leur vie. Beaucoup sont en transition et veulent trouver des réponses, des pistes de réflexion. La spiritualité n’est pas que la religion et la foi; c’est ce qui touche l’âme et donne un sens à notre existence. » Le propos rejoint celui de Siham Jamaa, autre analyste pour le Réseau de veille de l'UQAM, qui souligne que même si nous sommes en présence d'un produit de niche, « la religiosité existe toujours, même si les églises sont désertes. »

Sébastien Gendron a vécu le forfait Leadership de vie et créativité, de Spiritours, aux Îles-de-la-Madeleine. Au programme : kayak, randonnée sur le littoral et ateliers créatifs. « On est la plupart du temps dans une culture du “moi”, mais ce genre de voyage nous fait comprendre le mieux-être à travers l’altruisme et l’ouverture sur le monde. » Ce besoin de retraite intérieure se retrouve aussi au Québec au travers du concept de pèlerinage. Depuis une décennie, on a vu apparaître dans la province six grands parcours calqués sur l'exemple français du chemin de la Compostelle et qui relient des lieux de culte notoires, comme l'Oratoire Saint-Joseph et la basilique de Sainte-Anne-de-Beaupré. Le dernier, créé en 2009, est celui de Notre-Dame Katapakan, qui démarre au pied de la célèbre vierge du fjord du Saguenay pour se rendre, 215 km de sentiers forestiers plus à l'ouest, à l'Ermitage Saint-Antoine de Lac-Bouchette. Pour Sylvie Cimon, l’instigatrice du projet, « un pèlerin est quelqu’un qui quitte sa ville, son pays ou quelque chose d'autre pour aller marcher ailleurs, sans être nécessairement un "croyant" ». Au fil des pas, on se rend compte que spiritualité et méditation sont du même moule.  

La spécificité québécoise en matière de ressourcement s'exprime dans d'autres coins de la province. Au Gîte du Mont-Albert, dans le parc de la Gaspésie, depuis un an, la massothérapeute Julie Ruest complète son service par des randonnées yoga en forêt. Déjà offert en hiver, le forfait pourrait bien évoluer vers une formule de retraite en plein air automnale : « C’est quand même assez rare de faire du yoga avec un orignal! » Au Québec, la nature est accessible pour y purger son âme et se ressourcer, sans forcément souffrir. Le tout est de trouver la bonne formule.

 

Encore plus
• balnea.ca
• jeuneetrandonneequebec.com
• spiritours.com
• sentiernotredamekapatakan.org
• sepaq.com/pq/gas

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