3 questions à… Jean-Louis Étienne: Au pôle Nord en ballon
Jean-Louis Étienne est un aventurier des temps modernes. Amoureux des pôles et de la glace, il a consacré sa vie aux explorations polaires et aux missions scientifiques. Ce médecin d’origine française s’envolera au mois d’avril prochain au gré des vents dans une rozière (ballon mixte hélium/air chaud) au-dessus du pôle Nord. Nommée Generali Arctic Observer, cette traversée polaire en solitaire n’a encore jamais été réalisée.
Après la terre et la mer, vous terminez votre série d’expéditions au pôle Nord dans les airs. Pensez-vous qu’il y aura encore des surprises?
J’espère sincèrement ne pas être étonné de ce que je vais voir. Nous serons en avril et j’aimerais encore contempler une banquise solide et non des étendues d’eau libre causées par le réchauffement des océans. Le but de cette expédition est d’ailleurs de rapporter des données scientifiques sur l’évolution du phénomène. Des sondes vont mesurer la quantité de CO2 atmosphérique dans cette zone vierge de toute émission et le champ magnétique terrestre qui évolue continuellement. Les surprises pourraient venir de ces résultats.
Seul au dessus de l’océan, n’avez-vous pas peur qu’il arrive malheur à votre ballon?
Lors de la dernière mission de mon équipe en 2008 (Total Airship), c’est vrai que notre dirigeable a été détruit lors d’une tempête. Mais cette fois, j’ai minimisé les risques en partant au mois d’avril. Aussi, j’ai une équipe solide à terre pour me guider et des secours peuvent toujours venir me chercher en avion sur skis. La rozière a été spécialement conçue pour les conditions polaires ainsi que la nacelle dans laquelle je vais vivre. La seule part d’inconnu reste le comportement du ballon dans le ciel du pôle Nord.
À quoi va ressembler votre quotidien à bord du ballon pendant ces 15 jours?
Je vais sans cesse devoir surveiller trois choses essentielles à l’expédition. La première, c’est l’hélium grâce auquel le ballon vole. Au début, une grande quantité va être consommée pour faire décoller et emporter l’embarcation. Ensuite, il faut contrôler minutieusement le débit pour toujours se trouver à la bonne altitude et utiliser les vents favorables. Je n’ai que le stock de départ pour toute l’expédition, sans aucun réapprovisionnement : il faut donc bien en mesurer la consommation. Deuxième ressource essentielle à gérer : le propane, qui permet de chauffer l’air, l’autre source d’énergie de la rozière. Et enfin, je devrai faire attention à mon rythme de sommeil. Je compte prendre celui des navigateurs qui consiste à dormir deux heures puis en veiller six, et ainsi de suite pendant toute la journée. Grâce au pilote automatique, j’aurai quand même le loisir de profiter du vol, silencieux et en osmose avec la nature, même à plus de 1000 mètres d’altitude.
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ENCADRE :
Jean-Louis Étienne
Âge : 64 ans
Nationalité : Français
Médecin spécialiste de nutrition et de biologie du sport, Jean-Louis Etienne a participé à de nombreuses expéditions à vocations scientifique et pédagogique à travers le monde. En 1986, il est le premier homme à atteindre le pôle Nord en solitaire, tirant lui-même son traîneau pendant 63 jours.Au printemps 2002, il réalise la Mission Banquise : une dérive de trois mois sur la banquise du pôle Nord à bord du Polar Observer pour un programme de recherche sur le réchauffement climatique.Generali Arctic Observersera sa troisième et dernière expédition au pôle Nord.