Dur dur, le métier de guide
Adulés par les uns, méconnus par les autres, les guides en plein air sont plus souvent qu’autrement sous-estimés, au Québec. Plaidoyer pour de meilleures conditions pour ceux qui ont souvent notre vie entre leurs mains.
Vénéré aux États-Unis, adulé en Europe, le métier de guide n’a pas la même prestance et ne suscite pas le même respect au Québec, un territoire qui regorge pourtant d’activités de plein air. Les salaires, loin d’être mirobolants, s’accompagnent souvent d’avantages sociaux minimaux, et règle générale, le travail n’est que saisonnier. À cela s’ajoutent, pour le guide, d’importantes dépenses liées aux certifications qu’il doit détenir, une nécessaire formation continue ainsi que de l’équipement qu’il doit inévitablement posséder pour travailler. Des irritants à considérer, surtout en vertu des énormes responsabilités que porte sur ses épaules un guide de plein air. Plus il est polyvalent et en mesure d’encadrer diverses activités, plus ses dépenses gonflent.
Situation paradoxale, la rareté de la main-d’œuvre atteint des sommets en tourisme d’aventure alors que ce secteur d’activité, au Québec comme partout ailleurs, figure parmi les industries à la plus forte croissance. Pourquoi la Belle Province peine-t-elle donc à produire, rémunérer, honorer et surtout retenir ses guides de plein air?
Sylvain Alarie est propriétaire et directeur de l’entreprise H2O Expédition, située aux abords de la rivière Métabetchouane, au lac Saint-Jean. Il a pagayé (et guidé) aux États-Unis, en Europe et au Costa Rica, et il confirme que la mentalité québécoise envers ceux qui veillent sur nos activités en plein air est particulière.
« Vendre des forfaits d’aventure plus cher donnerait une marge afin de mieux rémunérer les guides; est-ce que les Québécois sont prêts à débourser davantage pour cela? Je ne crois pas! », analyse le pourvoyeur d’aventures en rafting et canyoning. « Pourtant, déjà, la difficulté de trouver de la main-d’œuvre force à rémunérer davantage les guides, et conséquemment à hausser le prix des aventures qu’on vend », avoue celui qui assume le coût d’hébergement de ses employés comme moyen de rétention. Et qui peine, malgré tout, à conserver ses guides.
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Bien qu’un noyau de ces derniers lui soit fidèle depuis belle lurette, nombreux sont ceux qui trouvent du travail ailleurs, saison après saison. Fréquemment courtisés en raison de la pénurie de guides, plusieurs roulent leur bosse selon ce qui leur semble davantage attirant : durée du contrat, taux horaire légèrement plus intéressant ou avantages de toutes sortes (rabais sur les formations, l’équipement, etc.). Après tout, qui de mieux placé qu’un guide pour plonger vers une nouvelle aventure professionnelle?
Des normes, mais pas pour tous
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Aventure Écotourisme Québec (AEQ), qui regroupe quelque 150 pourvoyeurs d’activités, s'assure de la qualité et de la sécurité des services offerts par les entreprises membres en les accréditant selon des critères rigoureux. « Mais rien n’oblige une entreprise à être membre de l’AEQ; les non-membres sont bien entendu en mesure d’offrir des forfaits moins chers car ils n’ont pas à payer cette adhésion et à respecter ses standards, dit Sylvain Alarie. Ça bousille l’offre sur le marché, impactant du coup le salaire de la main-d’œuvre, lié aux ventes d’aventures ».
La problématique entourant le métier de guide en plein air chatouille, à un point tel qu’un Créneau d’excellence en tourisme d’aventure et écotourisme a été créé au Saguenay–Lac-St-Jean – une région où on offre deux formations liées au métier, soit le baccalauréat en intervention plein air (à Chicoutimi) ainsi que la technique du milieu naturel (à Saint-Félicien).
Sorte d’image de marque (chaque région du Québec possède son créneau ou son pôle d’excellence, selon leur expertise) qui promeut un rayonnement sur les plans national et international, le créneau d’excellence en tourisme d’aventure a comme objectif de faire connaître l’industrie mais aussi de former et de valoriser la profession de guide tout en assurant une relève.
« Rares sont les métiers qui offrent une connexion avec la nature et l’humain; celui de guide en est un qu’on fait par passion, dit Gilles Simard, directeur du créneau d’excellence. L’aspect salarial est à hausser, mais les entreprises travaillent énormément dans leur culture organisationnelle pour remédier à la problématique financière ». Il souligne que la nouvelle génération à la recherche de débouchés en plein air sait qu’elle choisit un emploi davantage centré sur ses valeurs et passions que sur le salaire.
Entre autres solutions pour maximiser la rémunération des guides, une meilleure structuration de l’offre (réglementant la concurrence) ainsi que la création d’une association (l’Association des guides professionnels en tourisme d’aventure, l’AGPTA) ont vu le jour. Des ateliers ont aussi été donnés aux entreprises en gestion des ressources humaines, sans toutefois que l’aspect salarial ne soit abordé.
Une nouvelle tendance
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APEX Aventures n’est pas qu’une entreprise offrant des activités et des services de guides en plein air, elle déploie aussi, pour ses membres-employés, des services stratégiques tels l’accès aux assurances et à la couverture légale ou encore à la formation continue, et ce à moindre coût. « Nos employés sont majoritairement des guides travailleurs autonomes, pour qui ces nécessités minent le taux horaire et les profits à chaque expédition. L’idée est simple : on fait travailler des guides pour former des guides, ce qui, avec la force du nombre, fait épargner beaucoup », précise Geoffrey Isaac, directeur technique des opérations chez APEX, qui explique qu’une formation donnée par l’un de ses employés à d’autres membres permet de réduire les dépenses.
Il précise aussi qu’en « prêtant » des guides à des pourvoyeurs d’aventure, les employés ont un bon levier de négociation salarial car leurs formation, compétence et matériel sont constamment à jour, une situation souvent problématique lors de l’embauche d’un guide. « On permet aussi aux guides de travailler toute l’année, car pendant qu’ils œuvrent l’été, nous nous occupons de vendre leurs expéditions pour l’hiver à venir », renchérit le cofondateur, en prenant soin de noter une nouvelle tendance dans le monde du plein air. Ainsi, le client veut de moins en moins être dans un groupe et cherche du personnalisé, ce pourquoi il est prêt à délier les cordons de la bourse. « Ce n’est pas que la clientèle internationale soit prête à payer davantage : c’est que la clientèle québécoise a été habituée à payer moins cher, avec des standards de sécurité et des normes aussi élevées qu’ailleurs », conclut celui qui visite les futurs guides en plein air en formation afin de vendre ses services.
Bien évidemment, c’est l’offre et la demande qui ont le mot final dans l’industrie. Le tourisme d’aventure a certes le vent dans les voiles, mais il est aux prises avec une pénurie grandissante de main-d’œuvre qui menace de freiner son élan. Une situation dans laquelle le client, roi et maître, dispose d’un pouvoir non négligeable. Car que ce soit en raison du pourboire ou de l’acceptation d’un tarif majoré en fonction d’une certification aux normes élevées, une partie d’une promesse d’équité provient… de nos poches.
Nécessaire, le pourboire en plein air ?
« Que les gens ne soient pas prêts à payer davantage se comprend, mais le pourboire laissé au guide comme marque d’appréciation est certainement une manière de remercier celui-ci et d’ajuster honorablement ses revenus », explique Gilles Simard, du Créneau d’excellence saguenéen. Il précise qu’un pourboire est le reflet d’avoir aimé l’activité. L’inévitable comparaison avec le montant laissé en restauration vient en tête, sauf qu’aux paramètres d’appréciation et d’interprétation s’ajoutent ceux, indiscutables, de la sécurité et de l’encadrement. Les employeurs de l’industrie de l’aventure encouragent fortement cette pratique, cependant laissée à la discrétion du participant. Au-delà du traditionnel 15 % du montant total de l’aventure, il faut songer à bonifier le travail du guide, selon le contexte, d'au moins 2 à 3 $ par jour et par participant, voire 5 $ – une somme qui peut aller jusqu'à 15 $ par jour et par personne, s'il s'agit d'un guide d'expédition.
Pour aller plus loin
creneauaventure.com
agpta.com
aeq.aventure-ecotourisme.qc.ca
unis.ca/guides-daventures