Les hivers de nos demains
Nous sommes en l’an de grâce 2118. Plusieurs mois par année, toute la Terre croupit sous la chaleur ambiante. Toute? Non. D’ultimes territoires résistent encore et toujours à l’envahisseur thermique, dont le Québec. Enfin. Certaines parties du Québec, s’entend.
Fidèles à leur habitude, les humains n’ont pas pris au sérieux les avertissements qu’on leur a lancés, un siècle plus tôt, lorsque fut dévoilé le rapport du 8 octobre 2018 du GIEC. Finalement, les projections du groupe d’experts sur l’évolution du climat étaient encore plus catastrophiques que prévu : ainsi, c’est un réchauffement planétaire de 10 degrés qui attendait le monde, en cent ans. Car évidemment, rien ou presque n’a été fait pour renverser la vapeur — c’est le cas de le dire.
Cela étant, les destinations de plein air se sont adaptées. Dans le sud du Québec, les randonnées à vélo à travers les innombrables vignobles et champs de cannabis font fureur. Sur la Côte-Nord, on peut enfin pratiquer le surf sans combinaison isothermique, entre les centres de villégiature qui ont essaimé depuis qu’on peut se baigner sans se transir les mollets, le long de tant de superbes plages.
À Anticosti, le mégaparc de tyroliennes aménagé entre les tours de forage abandonnées (toutes les ressources pétrolières y ont été épuisées) est devenu une destination phare de la région. Au parc de l’Île-de-Boucherville (il n’en reste qu’une, les autres ont été inondées par la montée des eaux), le kayak de mer est devenu fort populaire, dans la mangrove.
Au Nunavik, les randonnées pédestres et les sorties en fatbike sur le pergélisol ramolli ont connu une forte recrudescence : la région compte parmi l’une des seules où on peut se balader au frais en cette ère caniculaire. Bonus : elle est devenue totalement sécuritaire depuis que le dernier ours polaire a péri, en 2051 (au Québec, un seul couple de bélugas a survécu, au Zoo de Saint-Félicien, mais c’est une autre histoire). En revanche, les attaques de cougars sont de plus en plus nombreuses et ont rendu certains secteurs périlleux, près de la frontière états-unienne.
L’hiver, on n’a même plus besoin de raquettes pour se balader en montagne, les précipitations de neige étant devenues rarissimes ou minimes. En revanche, les pluies et les épisodes de verglas sont très fréquents, et la marche nordique (avec d’indispensables crampons) gagne encore et toujours en popularité. Le ski de fond à roulettes fait aussi un malheur, dans les parcs linéaires.
C’est aussi la folie sous les dômes intérieurs de Tremblant, de Bromont et de Mont-Sainte-Anne, où les skieurs n’ont plus à se soucier des plaques de glace qui avaient rendu insupportable la pratique de leur sport préféré, ces dernières décennies — du moins quand il y avait de la neige. Il fallait faire quelque chose : l’hiver québécois, ou ce qu’il en reste, ne dure plus que deux mois par année…
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Nous sommes en l’an de grâce 2018, et dans la présente édition d’Espaces, nous dévoilons une foule d’activités de tout acabit pour profiter de l’hiver québécois, tandis qu’il est toujours à son mieux.
Parc national des Monts-Valin. Crédit: Sépaq/Fabrice Tremblay