Quand une plante zombie envahit les lacs du Québec
Avec son impressionnant pouvoir de multiplication, le myriophylle à épi a déjà envahi près 180 lacs québécois. Pourtant, il suffit de laver son embarcation pour éviter la propagation de cette « plante zombie ». Explications.
Imaginez un lac couvert d’un dense tapis de plantes aquatiques qui rend la baignade et la navigation pratiquement impossibles. Plus on tente d’arracher ces plantes, plus elles se multiplient, chaque petit fragment ayant le potentiel de s’enraciner pour créer davantage d’herbiers. Tel est le cauchemar que fait vivre le myriophylle à épi aux touristes et aux villégiateurs résidants en bordure de lacs, au Québec.
© Graves Lovell
Depuis une dizaine d’années, cette « plante zombie, qui peut croitre jusqu’à 10 mètres, a colonisé de vastes secteurs de lacs peu profonds, comme le lac à la Tortue, en Mauricie, restreignant la baignade, les activités de navigation et les sports de pagaie, note Christine Demers, biologiste à la Société d’aménagement et de mise en valeur du bassin de la Batiscan (SAMBBA).
Si cette plante est répertoriée depuis 1927 au Québec, ce n’est qu’au cours des dernières années que sa présence a commencé à avoir d’importants impacts économiques et touristiques. « Elle cause particulièrement tort aux municipalités de villégiature », souligne Joé Deslauriers, maire de Saint-Donat et vice-président du Caucus des municipalités locales de l’Union des Municipalités du Québec (UMQ), qui a identifié l'enjeu du myriophylle à épi comme prioritaire, dans son plan d'action 2018-2019.
© Alison Fox
Recensée dans près de 110 plans d’eau situés dans presque toutes les régions du Québec, en 2017, la plante serait désormais présente dans 180 lacs et rivières, selon l’UMQ et plusieurs autres organismes. En juillet, le gouvernement du Québec a donc fait l’annonce d’un investissement de 8 millions de dollars sur 5 ans pour lutter contre les espèces exotiques envahissantes, qui peuvent avoir des impacts négatifs sur la biodiversité des lacs et des cours d’eau. « Le myriophylle à épi entre en compétition avec les plantes indigènes pour la lumière et les nutriments, quand il forme de grandes colonies monospécifiques. Les herbiers denses peuvent altérer les écosystèmes, notamment les chaînes alimentaires, l’oxygène dissous et les sites de frai », explique Clément Falardeau, porte-parole du ministère du Développement durable, de l’Environnement et des Changements climatiques.
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« Bon an, mal an, les herbiers de myriophylle à épi s’agrandissent, car l’espèce n’a pas de prédateurs ni de compétiteurs dans nos lacs, remarque Hélène Godmaire, biologiste et directrice du Conseil québécois des espèces exotiques envahissantes. Originaire d’Europe, d’Asie et d’Afrique, la plante zombie a aussi une capacité de multiplication très efficace, ajoute cette dernière. « Il suffit d’un fragment de plante pour former un herbier et éventuellement coloniser un lac tout entier », dit-elle. Bien souvent, ce sont des bateaux à moteur, des kayaks et des planches à pagaie qui vont disséminer la plante d’un lac à l’autre, sans le savoir.
© Leslie J. Mehrhoff
La solution : inspecter et laver son embarcation à chaque fois que l’on change de lac, en portant une attention particulière aux aspérités où l’eau peut s’accumuler, comme les caissons des kayaks, le gouvernail ou les ailerons, où des segments de plante peuvent s’accrocher.
À défaut d’avoir pu prévenir son introduction dans le lac à la Tortue, la SAMBBA s’est lancée dans un projet-pilote pour réduire la présence de la plante zombie en recouvrant les herbiers de 26 000 m2 de poches de jute, au cours des deux dernières années. Cette technique a démontré une certaine efficacité, mais davantage de données sont nécessaires pour connaître son impact sur l’écosystème et sur la biodiversité.
En attendant, à vos brosses et chaudières, pleinairistes : la santé des lacs de la Belle province dépend de votre assiduité à bien laver vos embarcations !