Le psicobloc, ou l’art de grimper pour mieux plonger
Imaginez un sprint vertical où deux grimpeurs passent rapidement d'une prise à l'autre, avant de faire un plongeon d'une dizaine de mètres... dans l'eau. C'est ce que promet Psicobloc Montréal 2018, qui risque fort de donner lieu à une compétition enlevante, au parc Jean-Drapeau.
« Mais qu'est-ce que le psicobloc, et pourquoi diantre devrais-je m’y intéresser ? », doivent se demander les néophytes du vertical. Fort simple: c'est de l'escalade pratiquée sur un mur de 16 mètres, généralement bombé, au-dessus d'un plan d'eau – une piscine, en l’espèce. Deux grimpeurs concourent alors en tentant d’arriver au sommet le premier; lorsque l’un d’eux, les bras tétanisés, est vaincu par la gravité, il tombe dans l'eau plutôt que d'être retenu par une corde ou de se retrouver sur un matelas posé au sol.
Cette compétition découle du « Deep Water Soloing », une sous-discipline de l'escalade qui se pratique à l’extérieur, surtout sous de plus chaudes latitudes – l'Espagne ou le Vietnam, par exemple – et qui comporte son lot de risques, en milieu naturel. Imaginez chuter d'une vingtaine de mètres dans l'eau, sans savoir ce qui se cache sous la surface, ou encore vous faire « gentiment » ramener vers les parois d’une falaise par de violentes vagues.
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Largement popularisé par Chris Sharma, le demi-dieu californien de l'escalade, le psicobloc restait jusqu'à tout récemment assez peu accessible. Puis, en 2013, une compétition organisée à Salt Lake City a vu défiler toute l’élite de la grimpe, ce qui a quelque peu changé la donne.
Depuis, les grimpeurs s’affrontent chaque année sur un mur installé au-dessus d'une piscine olympique, pour offrir tout un spectacle à ceux qui assistent à cette course enlevante : deux as de la grimpe s'élancent alors en même temps sur un parcours où ils doivent allier vitesse, force et puissance jusqu'au sommet. Spiderman peut (presque) aller se rhabiller.
© Nose It All
Largement inspirée de la compétition de Salt Lake City, celle qui se déroulera à Montréal du 23 au 25 août permettra aux grimpeurs de tous les niveaux de participer. « Ce sera l’une des plus intéressantes compétitions sportives de Montréal, assure la co-organisatrice de l’événement, Sophie Claivaz-Loranger. Qu’on soit grimpeur ou pas, la tour impressionne et la chute est toujours spectaculaire !»
À son avis, il suffit d’observer les grimpeurs pour comprendre la difficulté de l’exercice et générer un « wow! » qui laisse pantois. Non seulement la compétition est enlevante pour la foule, mais elle l’est pour les athlètes : les chutes de cette hauteur sont extrêmement rares – parce que possiblement dangereuses lorsqu'on est encordé, encore plus quand on ne l'est pas. Le psicobloc donne donc une liberté tout à fait exceptionnelle aux grimpeurs.
À Montréal, des adeptes de grimpe de partout dans le monde seront de la partie, mais aussi des Québécois, comme Babette Roy. « Le psicobloc procure une dose d’adrénaline que tu as peu de chances de ressentir dans d'autres circonstances », dit la grimpeuse de 16 ans. Après être montée à la tour de plongeon de 10 mètres pour comparer avec la vraie structure, elle s’est sentie d’autant plus d’attaque. « Ça fait peur, mais c'est excitant ! », lance-t-elle. L'événement lui permettra de se frotter pour une première fois à cette forme d'escalade, aux côtés de quelques grosses pointures, dont Sébastien Lazure chez les hommes et Véronique Gosselin chez les femmes.
© Beau Kahler
Beaucoup de grimpeurs ont répondu « présent! » à l’invitation : nombreux sont les participants masculins à s’être inscrits – les organisateurs ont même dû ajouter des places – alors qu’il reste plusieurs places chez les jeunes et les femmes. Un plus petit mur permettra également de s’initier au psicobloc, sans devoir affronter les hauteurs extrêmes.
Psicobloc Montréal 2018 n’est même pas encore entamé que les organisateurs pensent déjà à l'année prochaine. « On a de gros projets, ce n’est que le début ! », laisse planer Sophie Claivaz-Loranger.
Le week-end du 23 au 25 août, vous avez donc le choix : enfiler vos chaussons ou sortir la crème solaire. Car que vous soyez spectateur ou grimpeur, cet événement promet d’être à la hauteur – c’est le cas de le dire.
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Psico quoi?
Psicobloc au Vietnam © Shutterstock
Pour la petite histoire, le nom « psicobloc » vient de l’espagnol (« psico » = fou ou taré, dans la langue de Cervantès), puisque les grimpeurs de Mallorca, aux îles Baleares, ont été parmi les premiers à pratiquer régulièrement cette forme d’escalade de bloc. Le psicobloc signifie donc à peu près « escalade de bloc malade » ou « de bloc fou ».
Lynn Hill : quand une légende se raconte
© Pancake Flake
En marge des éclaboussures de la piscine, nulle autre que Lynn Hill viendra faire une présentation multimédia sur sa vie et sur le monde de la grimpe. Imaginez quelque 40 ans d'histoire d'escalade en une soirée, et vous aurez une idée du menu. « La pratique de l’escalade est très différente aujourd’hui de ce qu’elle était auparavant », explique celle qui a ouvert le chemin à toute une génération de grimpeurs – et de grimpeuses ! – avec ses ascensions audacieuses.
Légende vivante, la grimpeuse de 57 ans a marqué la discipline : non seulement fut-elle une féroce compétitrice dans les années 80 et 90, mais elle est notamment devenue la première femme a enchaîner une voie cotée 5.14 – pensez à un record du monde en course. Elle a aussi enchaîné en libre (donc sans chute et en ne tirant pas sur les protections) une voie baptisée The Nose, sur El Capitan, paroi mythique de la vallée de Yosemite, en Californie – les tentatives pour y parvenir avant elle furent aussi nombreuses qu’infructueuses.
Lynn Hill célèbrera d’ailleurs les 25 ans de la première ascension en libre en tentant une répétition de la célèbre voie, plus tard cette année.