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  • Plein Air Interculturel © Laetitia Rivet

Plein air multiculturel : Mon pays, ce n’est pas un pays, c’est divers

Pour certains, le froid mordant est un prétexte de plus à l’isolement. Pour d’autres, l’excitation à l’idée de jouer dans la neige est figée par le manque d’équipement, de connaissances. Mais ces accrocs peuvent devenir autant de raisons d’intégrer les nouveaux arrivants au Québec.

Au cœur du mont Royal, un groupe de non-initiés rigole, skis de fond aux pieds. Du tumulte s’élève l’anglais, le français et l’espagnol, surprenante tourelle de Babel en plein air. L’initiatrice de l’activité, Adrienne Blattel, supervise avec enthousiasme les apprentis fondeurs.

Coordonnatrice et guide du programme de plein air interculturel de l’Association récréative Milton-Parc, cette pleinairiste passionnée a littéralement créé un monstre. Plus de 500 immigrants participent annuellement à ces ateliers uniques d’initiation au plein air, où ils apprivoisent autant les sports que la langue. Force est de constater que jouer dehors entraîne d’étonnants résultats, particulièrement pour les expatriés foulant notre pays qu’est l’hiver.

Multiculturalisme, partage et échanges

L’aventure débute en 2010, alors qu’Adrienne Blattel propose une sortie de canot-camping à une clientèle nouvellement arrivée au Canada. Les objectifs sont de faciliter leur insertion et leur immersion (culturelle et langagière), tout en leur faisant découvrir les beautés de l’arrière-pays par les sports traditionnels.

Le succès de l’excursion et de ses retombées sociales et linguistiques auprès des participants pousse Adrienne Blattel à persévérer et à tenter d’obtenir des subventions afin d’acquérir de l’équipement. De fil en aiguille, elle déniche une alliée à la mission semblable à la sienne et aux ambitions tout aussi débordantes : l’Association récréative Milton-Parc, dans le secteur McGill de Montréal.

Des centaines de randonnées et de coups d’aviron plus tard, les ateliers sont si populaires que son organisatrice pourrait en donner beaucoup plus. « Bien que l’accent soit mis sur l’intégration des nouveaux venus, tant les non-initiés au sport que ceux qui cherchent à converser dans d’autres langues sont les bienvenus. »

Entre deux coups de patin, les amitiés naissent, les réseaux se développent. Les finalités sont souvent dignes d’un dénouement de conte de fées : certains trouvent l’âme sœur, d’autres dénichent un emploi… et tous en ressortent immanquablement avec un bagage impressionnant.

Un réel engouement hivernal

Aux dires de la récente lauréate du prix d’entrepreneuriat Génération plein air MEC, la saison blanche est la plus populaire. Le patin, le ski de fond, ainsi que la raquette ont la cote chez les néo-Québécois. « Ce sont trois sports praticables en plein cœur de Montréal! Si certains ont tendance à s’encabaner, nombreux sont ceux qui ont entendu qu’il fallait bouger, profiter de l’hiver pour passer au travers. Et ils découvrent que c’est la clé! » renchérit la fervente aventurière.

L’un des avantages des ateliers de Plein air interculturel est de permettre la découverte de l’hiver et des sports qui y sont associés de manière encadrée; un effet de groupe y opère assurément, mettant en confiance les débutants. L’accueil, l’ouverture et l’ambiance décontractée mis en avant sont, aux dires de l’enseignante en plein air, les prérequis afin de faire vivre une expérience positive au cœur du frimas.

Certains découvrent qu’ils ne sont guère doués pour le patin, d’autres deviennent carrément amoureux du ski de fond. « Un Mexicain qui a fréquenté les ateliers il y a quelques années est dorénavant un mordu des loppets! » s’esclaffe la native d’Ottawa, dont le coup de foudre avec Montréal est encore à son paroxysme. Elle finalise en soulignant que nombreux sont les participants qui sont anxieux… que l’hiver se termine!

Des solutions à un manque d’accessibilité

Nombreuses sont les entraves qui freinent ces nouveaux Canadiens, aussi novices en plein air. Entre autres choses, les moyens financiers et les connaissances des activités et du territoire constituent des difficultés de premier ordre.

L’association Plein air interculturel résout d’abord ces écueils, précise Adrienne Blattel, et elle ajoute une dimension humaine à la découverte des joies de l’hiver. Elle précise que le mont Royal et ses sentiers, de même que la patinoire du lac aux Castors, sont des joyaux, notamment du fait de leur proximité. Parce que le transport, tout comme l’équipement, est l’une des principales problématiques qui apparaissent pour celui ou celle qui débarque dans la Belle Province et qui veut profiter de ses attraits naturels.

C’est aussi ce qu’a constaté Boris Issaev à son arrivée au Canada : le fondateur de Parkbus devait soit louer un véhicule, soit covoiturer pour se rendre dans les parcs nationaux ou randonner là où il le voulait. Avec son partenaire Alex Berlyand, il a donc mis sur pied un système de transport en commun… menant à la nature.

Au départ de Toronto ou de Vancouver (et de 28 autres destinations canadiennes), il est possible de se faire débarquer (avec son équipement) dans un parc, un lieu de conservation ou un emplacement de camping. Les deux acolytes sont aussi derrière NatureLink, organisation pancanadienne à la mission similaire à Plein air interculturel : faire vivre aux nouveaux arrivants l’expérience canadienne en plein air. Et comme celui d’Adrienne Blattel, leur agenda est très chargé!

Du plein air pour tous

Chez l’Oncle Sam, la tendance s’observe aussi : certains accueillent à bras ouverts les immigrants et leur font « vivre » les terres publiques, en camping ou en rando, mais toujours en prônant la diversité et l’accessibilité. Ambreen Tariq, Indienne établie en banlieue de Washington, a démarré le compte Instagram @brownpeoplecamping, dont l’objectif est simplement de partager son expérience en plein air en tant qu’immigrante.

En plus d’avoir amassé deux mille abonnés en moins de temps qu’il en faut pour monter une tente, sa mise en récit a fait boule de neige, inspirant de nombreux autres nouveaux venus à fouler du pied le sol des parcs nationaux et autres lieux idylliques propices à l’évasion en plein air.

En ces périodes mouvementées de xénophobie, d’extrême droite et d’inquiétudes liées à l’étanchéité des frontières, les initiatives d’accueil, de démocratisation du territoire et des activités qu’il est possible d’y pratiquer tiennent la balance égale. Vivement que le seul suprémacisme blanc qui domine soit celui de l’hiver…

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