Mickaël Brangeon : Un « geek » au milieu des loups
Armé d'un ordinateur et d'une connexion à Internet, Mickaël Brangeon s'est lancé à la poursuite d’un vieux rêve : vivre au milieu des loups. C’est la deuxième fois qu’il s’aventure de la sorte pour passer trois ans sur le territoire de la Baie-James. Il y sera… jusqu'à l'été 2011.
Qu'est-ce qu'un Français comme vous fait en pleine forêt de la Baie-James?
Je veux vivre auprès des loups et au milieu de la nature sauvage. C'est un rêve que j'ai depuis l'âge de 14 ans. Je ne veux pas suivre les loups pour ne pas les déranger, mais j'explore leur territoire en attendant qu'ils viennent voir qui je suis. Ils s'approchent lorsqu’on passe plusieurs semaines sur leur domaine.
Avez-vous un objectif scientifique?
Je n'ai pas la prétention d'être un scientifique : je veux vivre mon rêve et le raconter aux enfants. Trois mois par an, Julie Dewilde, une jeune écologue française me rejoint. Elle monte un projet de cartographie de la Baie-James dans lequel elle dresse un inventaire de l'habitat naturel.
Vous arrive-t-il de les voir?
J'en ai vu une centaine jusqu'à présent. La première fois a été inoubliable : je venais de couper du bois et je prenais une pause. J'ai senti une présence derrière moi et j'ai tourné la tête. Il y avait un loup à sept mètres de moi. On s'est regardé dans les yeux durant une bonne minute, puis il est parti. C'est une des histoires que je raconte dans les écoles françaises.
Comment réagissent les enfants à ces histoires?
Leurs yeux s'illuminent quand je leur raconte mes péripéties en forêt. Je veux leur montrer qu'on peut se promener dans une forêt habitée par le loup, sans avoir de problème.
Est-ce qu'il vous est déjà arrivé d'avoir peur lors de ces aventures?
Quand j’aperçois un loup, je n’ai pas peur. Au contraire : c'est le bonheur absolu ! Mais on sent qu’on n’est pas le maître des lieux. Ils ont de tels yeux et des expressions incroyables! Lors de ma première aventure ici, ma plus grande peur était de ne pas voir de loup avant de rentrer en France. Heureusement, ça n'a pas été le cas.
Comment arrivez-vous à vivre durant ces longues années?
Cela fait cinq ans que je n'ai pas touché de salaire. J'ai quitté mon travail d'ouvrier dans une usine d'aluminium pour vivre cette expérience. Maintenant, je suis président de l'Association Peuple Loup, qui vit de dons. Je ne gagne pas d'argent, mais je n'en dépense pas. Ça me coûte à peine 100 $ par mois pour vivre ici, dont la moitié pour payer ma connexion satellite à Internet ! Je reviens à Nouchimi tous les 15 jours, pour chercher des vivres.
Pourquoi avoir cet ordinateur connecté à Internet au fond des bois?
Je suis un « geek » accro aux nouvelles technologies. Je peux passer 48 heures sans dormir pour changer un truc sur mon blogue. Ça me permet de partager mon aventure avec les internautes, notamment sur les sites de réseaux sociaux. Tout mon projet est fondé sur le partage. Je suis incapable de vendre, mais j’aime donner. J'interviens gratuitement dans les écoles, je raconte ma vie dans la forêt aux enfants. Mes sites, réalisés avec des logiciels gratuits, proposent des photos libres de droit. Internet est un outil fantastique pour ça.
Êtes-vous plus à l'aise avec les animaux ou avec les humains?
Je n'ai jamais eu de problème avec les animaux. L'été dernier, un ours a mangé ma nourriture, mais ce n'était pas bien grave... j'ai pu faire des photos magnifiques! Les principaux problèmes, c'est avec les humains que je les vis. À certains endroits, ça tire du fusil comme c'est pas permis ! Avec les Cris, tout se passe bien : ils ont une vision de la nature dont on devrait s'inspirer. Ils ne se considèrent pas propriétaires de la forêt, mais comme des locataires. Du coup, ils sont très accueillants. Ils m'ont accepté et m'ont même donné un nom : Batchchki.
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peupleloup.info