Jason Rodi a pris rendez-vous avec le futur
Dans notre édition de mars 2012, nous vous parlions de l’expédition de l’aventurier et réalisateur québécois, Jason Rodi, en route vers l’Île Bouvet, un bout de terre volcanique perdue au milieu de l’Atlantique-Sud pour y déposer une capsule étanche contenant des témoignages sur notre vision du futur dans 50 ans. Le pari était osé : six semaines de voyage entre le cap Horn (Amérique du Sud) et le cap de Bonne-Espérance (Afrique du Sud). Jason Rodi et ses sept compagnons de fortune l’ont réussi!
Quel bilan faîtes-vous de cette expédition ?
Cela fait maintenant plus de deux semaines que je suis rentré et je ne réalise pas encore. C’est une sorte de décalage, comparable à ce que ressentent les astronautes, après avoir vu la Terre de l’espace. C’est la même sensation. Ce voyage métaphorique vers le futur nous, mes compagnons et moi, a permis de voir la terre d’un angle différent. Par exemple, nous avons fait une halte en Géorgie du Sud, qui compte notamment des anciennes installations de l’industrie baleinière. On aurait dit une vision post apocalytique du monde, avec des raffineries en ruines, mais où la nature a totalement repris le dessus, avec des pingouins et des phoques sur les plages. Durant tout le voyage, nous avons aperçu des îles vierges, jamais touchées par l’Homme, des formes géographiques quasi irréelles, des dizaines de nouveau monde inexploré.
Quels moments en particulier vous souviendrez-vous longtemps ?
J’en ai deux qui me viennent à l’esprit. Le premier, c’est la rencontre des manchots sur une plage de Géorgie du Sud. C’est la première que j’en voyais d’aussi près. Cela a été pour moi un choc existentiel. On a l’impression que l’Homme est sur Terre partout chez soi, mais, sur cette plage, nous étions comme des alliens qui débarqueraient dans un monde inconnu et étranger. Cela m’a permis de réaliser que l’Homme n’est finalement qu’un simple nomade, jamais totalement chez soi. Le second moment fort a été à la fin de l’expédition, au cap de Bonne-Espérance. Il y avait d’un côté un brouillard très lumineux à cause du soleil, et de l’autre, tout était dégagé et clair. Ce fut un grand moment car cela signifiait à la fois la fin du voyage et la fin de ma quête du futur.
Et des moments plus difficiles ?
Pas autant que l’on pouvait l’imaginer. Nous avons bien été servi par la providence. Durant le voyage, on avait la drôle de sensation que les nuages menaçants s’écartaient à notre passage puis se refermaient derrière nous. Une impression que l’on était là pour les bonnes raisons. Nous avons les deux plus belles journées de l’année sur l’Île Bouvet. Mais, la montée au sommet a été difficile pour moi. Pas longue, mais la capsule était plus lourde que prévu. Comme un symbole pour rappeler que le futur est lourd à porter! Heureusement, mon père a pris le relais dans le dernier cinquième de l’ascension.
Quelle suite allez-vous à ce voyage ?
Je veux réaliser un film documentaire à partir des images que l’on tourné pendant le voyage. Tous les éléments sont là pour faire quelque chose de bon : l’humain, l’aspect technique avec notamment la difficulté d’atteindre l’Île Bouvet et la thématique du futur avec le contenu des témoignages du futur des internautes qui m’a beaucoup inspiré.
Quelle serait votre vision personnelle du futur ?
C’est la première question que m’ont posée des élèves de l’école primaire Lambert Closse que j’ai rencontrés avant de partir. À l’époque, je n’ai pas su quoi leur répondre. Ma vision du futur tient en deux mots : énergie libre. Si chaque être humain avait accès à de l’énergie en quantité illimitée, alors rien de ce que l’on voudrait faire ne serait impossible. J’imagine un futur où l’on serait débarrassé de notre dépendance vis-à-vis du système économique actuel et où la technologie nous aiderait à construire un monde meilleur.
Encore plus
Pour retrouver le carnet de voyage et regarder les témoignages des internautes sur leurs visions du futur : notrefutur.org