Payer nature
Ça y est, on le savait que ça allait arriver, mais là c'est vrai : le tarif de la Sépaq va augmenter à 5,50$ cette année. Dans un contexte où les gens (et surtout les jeunes) campent de moins en moins, la Société des établissements de plein air du Québec tire bien son épingle du jeu avec une fréquentation de ses parcs constamment à la hausse. Pour compenser la perte des investissements provenant du gouvernement, le réflexe des administrateurs est facilement comprenable : pour augmenter les revenus, suffit d'augmenter les tarifs. Mais le tout n'est pas aussi simple : il faut d'abord changer la Loi sur les parcs, ce qui veut dire que les députés doivent voter en faveur des modifications pour que la nouvelle tarification entre en vigueur. Pour vous donner un aperçu des détails et implications de ce dossier, voici mon éditorial qui vient de paraître dans l'édition de janvier 2011 de la revue Espaces.
Éditorial publié dans l'édition de janvier 2011 de la revue Espaces
Payer nature
Le gouvernement provincial s’apprête à augmenter la tarification dans nos parcs nationaux. Ce type d’annonce crée toujours un débat vigoureux. Remarquez qu’on était prévenu : dans son budget déposé en mars dernier, le ministre des Finances Raymond Bachand annonçait déjà que le tarif d’accès aux parcs nationaux grimperait à 5,50$. Mais voilà que le tout se mettra en place dans les prochaines semaines.
En effet, le projet de règlement qui modifiera la Loi sur les parcs a été déposé le 1er décembre dernier et est soumis à la consultation populaire jusqu’au 14 janvier 2011. On y prévoit des augmentations moyennes de 57% pour l’année 2011. Le tarif d’accès individuel quotidien passera de 3,50$ à 5,50$ et augmentera chaque année pour atteindre 8,50$ en 2016 (+143%). Les droits de pêche dans les parcs s’harmoniseront avec ceux des réserves fauniques. Le projet de règlement prévoit aussi de rendre gratuite la portion de la Route Verte qui traverse les parcs d’Aiguebelle et du Bic et de limiter aux groupes scolaires québécois l’exemption du tarif d’entrée. Le tout permettra à la Sépaq d’engranger plusieurs centaines de milliers de dollars additionnels chaque année et de se rapprocher des frais exigés par Parcs Canada (7,80$).
Selon le ministre, assumer une plus grande partie des coûts des services « évite le gaspillage et incite à consommer de façon rationnelle les services fournis par l’État. » Mais pour certains, augmenter les tarifs ne fait que rendre la nature moins accessible, ce qui est l’une des missions fondamentales de la Société des établissements de plein air du Québec (Sépaq), l’organisme responsable de nos parcs nationaux.
Malgré cela, il vaut peut-être mieux augmenter les coûts d’entrée que de voir nos parcs menacés comme certains l’ont été dernièrement dans divers États américains. La Sépaq a connu une augmentation de 5% de ses revenus en 2009-2010 à 118 959 000$ (grâce à son marketing efficace et une offre qui se diversifie constamment – pensez aux yourtes, tentes Huttopia et igloos), mais dans un contexte où chaque poste de dépenses gouvernementales est révisé, la société d’État doit s’assurer de pouvoir continuer de répondre à sa mission : assurer l’accessibilité, mettre en valeur et protéger ses territoires et équipements au bénéfice de sa clientèle, des régions du Québec et des générations futures.
En mai 2009, le ministre responsable de Parcs Canada a annoncé un gel de la tarification pour une période de deux ans dans les parcs nationaux et les lieux historiques administrés par Parcs Canada. L’objectif : « aider les familles à profiter de ces attractions et donner un coup de pouce à l’industrie canadienne du tourisme. » À l’époque, l’industrie du tourisme s’était réjouie de l’annonce. Le tarif d’entrée quotidien de 7,80$ pourrait donc aussi augmenter au courant de l’année qui débute. Pour sa part, le tarif régulier des 329 parcs nationaux ontariens (2$ par jour) semble vouloir se maintenir.
Certains trouveront dommage d’être obligés de payer plus cher pour accéder à la nature. Pourtant, elle est encore très accessible : à 5,50$ (et même à 8,50$ en 2016), ce sera encore moins cher qu’un billet de cinéma! Je suis bien d’accord avec ceux qui rechignent lorsque ces coûts sont ajoutés à une nuit de camping : les tarifs d’accès devraient être incorporés au montant total pour éviter les mauvaises surprises. Mais imaginez un même territoire exploité par une compagnie privée. Pourriez-vous profiter aussi agréablement de ces moments de calme à un coût si bas? Pensez à la station de ski du Mont-Tremblant, pourtant situé sur un territoire protégé…
L’autre argument en faveur de l’augmentation des tarifs et d’assurer l’amélioration et le maintient des services. On sait déjà que la Sépaq continuera de développer sa populaire offre de camping « prêt-à-camper » pour ceux qui désirent profiter du plein air avec un moindre effort. Espérons toutefois que la société d’État profitera de ces sommes pour ouvrir davantage son territoire et offrir de nouveaux produits à tous les types de clientèles, comme nous faire (enfin) profiter d’une offre plus « backcountry » telle qu’on peut la pratiquer dans les parcs américains. On rechignera alors encore moins sur le fait de débourser un plus pour profiter à fond de notre nature.
Le projet de règlement prévoit de rendre la Route Verte des parcs d’Aiguebelle et du Bic gratuite et limiter aux groupes scolaires du Québec l’exemption du tarif d’entrée. Il sera aussi dorénavant défendu de laisser de la nourriture à l’intention des animaux ou de capturer des insectes ou des araignées. De plus, le nom du parc national du Saguenay sera dorénavant le parc national du Fjord-du-Saguenay.
Et vous, que pensez-vous d'une telle augmentation des tarifs de la Sépaq? Je suis curieux de connaître votre opinion sur le sujet.