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  • Parc national de l'Andringitra - Crédit : Frédérique Sauvée

Madagascar : l’Île Rouge en mode actif

Avec ses 5 000 km de côtes de sable blanc, ses hauts plateaux recouverts de rizières en terrasse et ses forêts tropicales peuplées de lémuriens, Madagascar, quatrième plus grande île du monde, est un diamant encore brut aux mille et une facettes.

Madagascar a toujours eu pour moi un écho particulier, ma mère étant une zanatany, une Blanche née en sol malgache. Elle y a passé une partie de son enfance et de son adolescence lorsque mon grand-père était officier de la marine française, dépêché au port de Diego Suarez, à la pointe nord du pays.

Ce voyage sur l’île Rouge est donc un pèlerinage sur la terre de ma famille,  une découverte des couleurs, des saveurs et des paysages dont on m’a tant parlé quand j’étais enfant.

De la capitale, Antananarivo, jusqu’aux portes du Grand Sud par la route nationale 7 (avec un crochet par le nord tropical du pays), mon périple prend la forme d’un road trip actif ponctué d’arrêts dans les parcs nationaux, les villages de brousse et les marchés aux zébus, à la rencontre du peuple malgache. Andao moura moura ! (« Allons-y, mais pas trop vite ! »), comme m’ont répété mes guides africains tout au long du séjour.


Repiquage du riz dans les rizières du pays Betsileo

Crédit : Frédérique Sauvée

Début septembre (à la fin de l’hiver austral), c’est la période du repiquage des pousses de riz, dans les Hautes Terres de Madagascar. Nous nous trouvons ici au cœur du pays des Betsileo, l’une des 18 ethnies insulaires et principaux riziculteurs de l'île.

Ce peuple aux traits et aux traditions asiatiques incarne le mieux le premier peuplement indo-malais qu’a connu l’île. Madagascar, détachée du continent africain il y a 165 millions d’années, est ainsi la seule terre « afro-asiatique » de la planète.

Les paysages de cultures en terrasse tapissent les massifs montagneux que nous traversons depuis que nous avons quitté la capitale, Antananarivo, alias Tana. En nous voyant passer, les femmes qui travaillent toute la journée les pieds dans l’eau déplient leur dos courbé pour nous envoyer un signe de la main, accompagné d’un large sourire.

Charrette à zébus

Crédit : Frédérique Sauvée

Arrêtés à l’heure du dîner pour grignoter un samosa à la viande, nous constatons le nombre étonnant de charrettes à zébus — ces vaches arborant une bosse sur le dos — qui nous dépassent le long de la route nationale 7. Elles sont conduites par des éleveurs bara, cette fois très africains, reconnaissables à leurs longues silhouettes et au teint foncé de leur peau.

Semi-nomades, les pasteurs bara parcourent des centaines, voire des milliers de kilomètres en quête de pâturages pour leurs troupeaux de zébus, leur plus grande richesse.

J’ai l’occasion de les côtoyer au cours d’une visite d’Ambalavao, le plus grand marché de zébus du sud de Madagascar. Ici, les plus belles bêtes se négocient autour d’un million d’ariarys (environ 350 dollars) avant d’être revendues sur les étals de boucher de la capitale. En regardant mon samosa entamé, je comprends que ce n’est finalement peut-être pas du bœuf que je suis en train de déguster…

Vendeuse d’arachides sur le bord de la route nationale 7

Crédit : Frédérique Sauvée

Véritable colonne vertébrale de 950 km de long — tantôt asphaltée, tantôt  en route de brousse —, la route nationale 7 (RN7) traverse Madagascar du centre du pays jusqu’au sud-ouest. Elle est jalonnée d’hotelys, ces petites gargotes tenues par des Malgaches qui y vendent quelques fruits, des légumes et des objets d’artisanat.

Lémur Maki Catta dans la réserve naturelle d’Anja

Crédit : Frédérique Sauvée

Impossible de quitter le pays sans avoir vu au moins un lémurien au cours de son séjour ! Plusieurs, en fait, car les lémuriens vivent et se déplacent toujours en groupe. Des forêts sèches de bambous aux milieux les plus humides, on les trouve dans presque toutes les régions du pays. Celui-ci a attiré mon attention par son petit miaulement émis pour communiquer avec ses pairs de la famille des Maki Catta, l’espèce la moins farouche, que j’ai pu approcher à moins de 2 mètres de distance. Malgré la déforestation intensive de l’île depuis 50 ans, la population de lémuriens se porte bien. Parents des singes, ils symbolisent l’incroyable endémicité de cette île-continent.

Vallée du Tsaranoro, en route vers le parc national de l’Andrigitra

Crédit : Frédérique Sauvée

La vallée du Tsaranoro présente à elle seule toutes les beautés des Hautes Terres de Madagascar. Un relief vallonné, tantôt tapissé de rizières, tantôt ponctué de maisons en briques recouvertes de terre et coiffées d’un toit de chaume, derrière lesquelles des enfants surgissent toujours en accourant pour dire bonjour aux voyageurs de passage.

Femmes maquillées dans un village

Crédit : Frédérique Sauvée

Drapées dans la couverture traditionnelle des Betsileo, ces femmes sont sorties nous saluer alors qu’elles étaient en pleine séance de maquillage. Elles appliquent une épaisse couche de masonjoany — une pâte faite maison à base de terre argileuse — pour protéger leur visage du soleil, qui frappe très fort sur la Grande Île.

Porte du Grand Sud sur la route nationale 7

Crédit : Frédérique Sauvée

Visible sur plus de 75 km depuis la RN7, le massif Varavaranany Atsimo symbolise la porte du Grand Sud malgache. Ici, les rizières en terrasse ont fait place à la savane aride. Il n’est pas tombé une seule goutte de pluie depuis plus de six mois ! Les chauffeurs de taxis-brousse savent bien qu’il faut faire le plein dès que l’occasion se présente, puisqu’il est possible de rouler plus de 150 km sans croiser une seule ville ou station-service.

Randonneurs dans le parc national de l’Andringitra

Crédit : Frédérique Sauvée

Un peu à l’ombre du populaire parc national de l’Isalo, et moins accessible que son voisin (il faut rouler quatre bonnes heures sur une route de brousse pour arriver au poste d’accueil), le parc national de l’Andringitra est un petit paradis caché pour les randonneurs. Des parcours de plusieurs jours permettent de s’enfoncer dans le massif granitique aux aiguilles parfois acérées. En soirée, les porteurs locaux montent le camp pendant que nous participons à la préparation du souper, accompagnés des airs traditionnels chantés par nos guides.

Elizabeth et sa bouteille d’eau

Crédit : Frédérique Sauvée

Notre guide dans le parc national de l’Andringitra a pris des allures de randonneuse pour nous conduire jusqu’au sommet du pic Boby (2 658 m), plus haut sommet accessible de Madagascar. À 58 ans, Elizabeth a perdu son mari dans un accident et a dû chercher du travail pour subvenir à ses besoins ainsi qu’à ceux de ses huit enfants. Elle qui connaissait les sentiers de la région comme le fond de sa poche, mais aussi désireuse d’apprendre le français au contact d’étrangers, elle est devenue la première femme guide de l’Andringitra. Pourquoi porte-t-elle sa bouteille d’eau sur la tête ? « Parce que c’est bien plus pratique que de transporter un lourd sac sur les épaules », me répond-elle tout de go.

Petite fille enfumée

Crédit : Frédérique Sauvée

À travers l’épaisse fumée qui se dégage du feu de bois, Florence et ses petits frères observent leur mère cuisiner à l’intérieur de la seule et unique pièce de leur maison. Ils ont malgré tout une vue imprenable sur l’un des plus beaux parcs nationaux du pays, celui de l’Isalo. Lors de notre visite de leur village de brousse, nous avons été rapidement entourés d’une foule d’enfants, comme partout à Madagascar, où plus de la moitié de la population a moins de 20 ans.

Cercueils de bois dans un tombeau de falaise

Crédit : Frédérique Sauvée

Les croyances ancestrales diffèrent selon les régions et les ethnies malgaches. Les peuples du centre de l’île procèdent au famadihana (la cérémonie du retournement des morts), tandis que les habitants du sud placent les cercueils dans les cavités naturelles des falaises — et ce, le plus haut possible pour limiter le risque de pillage et de profanation. Ces pratiques tireraient leur origine des Célèbes, en Indonésie. En randonnant dans les parcs nationaux, il n’est pas rare, comme ici dans l’Isalo, d’observer d’anciens tombeaux datant d’avant la création du parc.

Bateaux traditionnels des pêcheurs de Diego Suarez

Crédit : Frédérique Sauvée

Quelque 250 000 touristes visitent chaque année Madagascar. En comparaison, l’île Maurice voisine, dans l’océan Indien, reçoit 1,2 million de visiteurs. Pourtant, la Grande Île possède elle aussi un superbe littoral bordé de plages de sable blanc, comme ici, dans la baie de Sakalava, à la pointe nord de Madagascar. À part Nosy Be, une île très prisée de la clientèle aisée européenne, le nord est encore méconnu et peu exploité. À preuve, nous avons croisé, le long de cette baie paradisiaque, plus de zébus que d’humains. Sur l’eau, seuls quelques adeptes de kitesurf et des pirogues traditionnelles appartenant à des pêcheurs locaux sont visibles…

Baobab dans la vallée des perroquets

Crédit : Frédérique Sauvée

Devinez l’âge de ce baobab ? Sept des huit espèces de cette variété d’arbres recensées sur la planète sont présentes à Madagascar, et six sont endémiques de l’île Rouge. Parmi les meilleurs endroits où les photographier, mentionnons l’Allée des baobabs (dans l’ouest du pays), mais également le nord, près de Diego Suarez — comme ici, dans la vallée des Perroquets. Il est possible de voir près d’une dizaine de ces géants pluricentenaires au cours d’une randonnée jusqu’au sommet de la montagne des Français. Avec les séquoias, les baobabs partagent le record des arbres les plus vieux de la planète : certains spécimens datent de plus d’un millénaire. Celui sur la photo avoisinerait les 700 ans, ce qui signifie que sa graine aurait germé à l’époque de Jeanne d’Arc. Quand même !

Le plus petit caméléon au monde

Crédit : Frédérique Sauvée

Voici le Brookesia minima, le plus petit caméléon du monde. Il ne dépasse pas 3 cm et se camoufle dans les feuilles et l’humus qui tapissent le sol du parc national de la montagne d’Ambre, près de Diego Suarez. Les Japonais, grands amateurs de records, se rendent dans le nord de Madagascar uniquement pour prendre un cliché de ce roi du miniaturisme. Le repérer dans le feuillage nécessite un œil de lynx et une grande habitude de la forêt tropicale. Il a fallu moins de 30 secondes à mon guide pour le repérer… 


Pratico-pratique

Quand : de mai à octobre (de préférence mai-juin et août-septembre pour profiter des plus belles températures).

Comment : cinq fois par semaine au départ de Montréal, sur les ailes d'Air France, via Paris (vol Paris-Antananarivo : 10 h). airfrance.ca

Avec qui : l'agence québécoise de trekking Karavaniers organise des voyages actifs à Madagascar, en séjour guidé ou autonome. Plusieurs options sont possibles, dont le forfait L'île aux montagnes rouges (12 jours sur la route nationale 7 avec visites culturelles et randonnées guidées), qui a donné lieu au présent reportage — exception faite de l’extension en solo dans le nord de l'île. karavaniers.com

Langue : la plupart des Malgaches parlent le français (ou le comprennent à tout le moins). 

À savoir : à Madagascar, il est conseillé de faire appel aux services d'un guide, qui pourra suggérer de bons plans en hébergement et en restauration, en plus de faciliter les interactions avec la population (pas toujours habituée aux touristes). Le guide se chargera également de conduire le 4 x 4, ce qui n'est pas toujours évident vu le mauvais état des routes, et il s’occupera de la paperasse aux nombreux barrages routiers. Enfin, il permettra de mieux faire comprendre la culture malgache et ses traditions, qui sont parfois bien loin de nos conceptions occidentales...

Info : madagascar-tourisme.com

L’auteure était l’invitée d’Air France et de Karavaniers.

Commentaires (1)
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Yodabee - 05/04/2018 12:57
Toutes ces photos me rappellent mon séjour de 2 ans à Madagascar pour l'organisme SUCO de 1970-1972.