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  • Sentier de la bouette © Olivier Pierson

Sentier de la Bouette : sale traversée!

Le mois dernier, notre collaborateur a expérimenté le sentier de la Bouette, dans le Bas-Saint-Laurent. Une expérience aquatico-boueuse qui n’arrive qu’une fois par année et qu’il nous raconte ici.

Quai de L’Isle-Verte, 23 juillet, 8 h. À quelques centaines de mètres du village, les lieux bruissent d’une effervescence inhabituelle. Chaque été, le sentier de la Bouette, long d’environ 5 km, attire des centaines de personnes, la plupart de la région, venues pour rallier à pied l’île qui abrite le plus vieux phare du Québec. Sous l’effet d’une grande marée, le Saint-Laurent n’est plus qu’un vieux souvenir par-ci par-là, et on peut marcher sur son lit.

La foule est hétéroclite, l’ambiance, bon enfant, les fidèles côtoient les débutants. Des jeunes, aussi. On devine que certains finiront vite dans les bras de leurs parents, vaincus par la fatigue ou la démotivation. Prévoyant, un père est venu avec un bateau pneumatique pour tirer sa progéniture. On distingue également quelques chiens, dont Virgule, un caniche royal fringant avec son bandana rouge autour du cou, qui s’apprête à vivre sa troisième traversée.

Porte-voix bien en main, Alex Fraser, chef de file du comité d’organisation, distribue les dernières consignes aux 430 inscrits. D’une année à l’autre, celles-ci ne changent pas. Entre autres choses, il faut apporter de l’eau, des vêtements de rechange et de quoi se protéger du soleil. Car cette année, ce dernier a répondu présent. Ça n’a pas toujours été le cas. Les anciens ont encore en mémoire la pluie, la brume et même la grêle venues parfois jouer les trouble-fête. Tout ce petit monde est encadré par des guides, reconnaissables à leur gilet vert, dont un qui ferme la marche.


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Quand le départ est donné, une longue file s’étire sur des centaines de mètres sur les berges, provoquant un bouchon. Je mets à profit ce ralentissement pour faire connaissance avec un groupe de quatre personnes qui ont attaché leurs chaussures avec du ruban adhésif, pour ne pas les perdre. Très vite, on entre dans le vif du sujet : la boue! Par endroits, l’effet de succion est si fort que je suis à deux doigts (de pied) d’y laisser une espadrille.

Certains ont adopté la technique du patin à glace pour éviter l’effet de ventouse sur ce sol vaseux, tandis que d’autres s’agrippent à une épaule ou à une main pour maintenir un semblant d’équilibre, ou ils s’en remettent à leur paire de bâtons. Certains avancent pieds nus, d’autres rivalisent de précaution pour ne pas se salir, ce qui me fait sourire. Moi, j’ai opté pour la méthode frontale : drette dans la bouette! Vouloir la contourner serait peine perdue, tout comme mes chaussettes blanches ont perdu leur superbe.

Sentier de la bouette © Olivier Pierson

Dans ce bourbier glissant, l’avancée devient plus erratique, la file s’est muée en essaim humain, on dirait une armée en déroute. Chacun son rythme, chacun sa trajectoire. On aperçoit au loin l’île Ronde, à mi-chemin, où une pause synonyme de collation est prévue. Assez rapidement, la boue laisse place à l’eau, qui me parvient au-dessus du genou sur une petite portion du tracé. La plupart du temps, c’est plutôt mi-mollet, voire au-dessus des chevilles. La zostère marine, une sorte de varech qui fit autrefois tourner l’économie de Notre-Dame-des-Sept-Douleurs (la municipalité de l’île), est très présente sur cette première partie du parcours, ce qui ralentit la cadence quand on se borne à traîner les pieds.

Une fois passée l’île Ronde, c’est un tout autre paysage qui apparaît, bien plus rocailleux. Les parties émergées sont aussi plus nombreuses, et les algues — les laminaires — se prennent pour des peaux de banane. Sous nos pieds : des crabes, une pléthore de moules et même un homard, apeuré par la noria de bipèdes.

À la fin du parcours, la boue refait son apparition, ce qui vaut à une dame cette confidence : « Ça finit comme ça a commencé! » J’acquiesce. Après deux heures de rando, je suis crotté, mais heureux de cette singulière et conviviale expérience. Avant son retour à bord du traversier, Nathalie, venue de France, affiche un sourire radieux : « On retrouve notre âme d’enfant! » L’autre effet de la bouette...

Plus d'infos : Labouette.com

Commentaires (1)
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Lise Pelletier - 09/08/2017 12:01
J'y étais pour la 6e fois! Beau reportage!