Des aurores boréales dans le sud du Québec?
Observer ce spectaculaire phénomène est non seulement possible, mais bien plus fréquent qu’on le pense, en terre québécoise. Explications et petit guide de l’observateur.
Les aurores boréales sont des phénomènes lumineux nocturnes résultant de l’interaction entre des particules de vent solaire et celles des gaz de l’atmosphère terrestre. Le principal responsable de leur présence est donc… le soleil!
Ce dernier est régi par des cycles d’activité d’environ 11 ans. Nous entrons présentement dans ce qu’on appelle un minimum solaire, une période où la probabilité que le soleil soit le siège d’éruptions est bien plus faible. Pour retrouver un pic d’activité, il faudra attendre jusqu’à 2025, environ…
Cependant, un deuxième phénomène localisé à la surface du soleil est susceptible de nous intéresser : les trous coronaux. Caractérisés par des zones sombres laissant s’échapper d’une manière constante des flux de matière, leur fréquence d’apparition n’a pas de lien avec le cycle d’activité solaire. Ces trous coronaux peuvent donc se manifester très régulièrement, comme ce fut le cas ces trois dernières années, ce qui a pour effet d’induire une fréquence plus importante d’aurores boréales.
Comment se produisent les aurores boréales?
Baie Trinité, Côte-Nord © FredPéron Aurora Photography
Les particules provenant du soleil contournent le champ magnétique terrestre et viennent en contact avec l’oxygène et l’azote de notre atmosphère, principalement. Il en résulte des teintes allant du vert au jaune en passant plus rarement par le rouge, voire le bleu.
Quand apparaissent-elles?
Toute l’année. Contrairement aux régions nordiques (Alaska, Scandinavie, Groenland, Finlande, Russie, Grand Nord canadien…), où les périodes de luminosité (soleil de minuit) sont très longues ou constantes en été (et où il est donc impossible d’observer des aurores boréales), on peut admirer ce phénomène toute l’année, dans le sud du Québec.
L’intensité et la fréquence des aurores demeurent certes nettement moindres, mais suffisantes pour être signalées, voire chassées par les photographes. Elles peuvent être visibles dès qu’il fait nuit, avec en général une probabilité plus importante entre 22 h et 1 h du matin. Les périodes d’équinoxe (mars/avril et septembre/octobre) sont statistiquement les plus propices à l’observation.
Où peut-on les voir?
Partout au Québec! Si l’intensité des aurores est suffisante, les meilleurs sites d’observation sont loin des villes et des sources de pollution lumineuse. À moins de trois heures de Montréal, on trouve déjà des zones très intéressantes, comme les environs de Sutton, en voie d’être qualifiée de réserve de ciel étoilé; la région du Mont Mégantic (première réserve internationale de ciel étoilé au monde); les parcs nationaux, comme celui du Mont-Tremblant; ou les réserves fauniques, comme celle de la Vérendrye.
Centrées sur le pôle nord magnétique (et non pas géographique) qui est légèrement décentré vers le Nord canadien, les aurores boréales du sud du Québec ont tendance à descendre plus bas en latitude que dans le sud de l’Europe, et elles y sont donc plus fréquentes (de 1 à 2 fois par mois). Autrement dit, la latitude magnétique du sud du Québec est bien plus intéressante que celle de Bordeaux, ville située sur une latitude géographique presque identique.
Comment les repérer?
Kamouraska, Bas-Saint-Laurent © FredPéron Aurora Photography
De façon générale, les aurores boréales se déploient directement au-dessus de l’horizon, entre le nord-est et le nord-ouest. Il est donc nécessaire de pouvoir s’orienter et repérer le nord grâce à l’étoile polaire ou avec la boussole de son téléphone cellulaire.
Si vous apercevez une lueur dans cette zone en sachant qu’il n’y a pas de ville à proximité, vous êtes tout simplement témoin d’une aurore boréale. Vous aurez peut-être la chance de distinguer un arc, des piliers verticaux pouvant monter très haut, voire un rideau ou un voile verdâtre se mouvoir plus ou moins rapidement.
Patience, persévérance et… connaissance!
Pour optimiser ses chances d’apercevoir des aurores boréales, il faut consulter des sites de prévision de l’activité géomagnétique, comme Solarham ou Spaceweatherlive. Des prévisions à court et long terme y sont proposées, tandis que des cartes mettent en évidence ce qu’on appelle l’ovale auroral. Grâce à un système de couleurs, celui-ci dévoile la probabilité d’apercevoir des aurores partout sur le globe, en temps réel.
Source : swpc.noaa.gov
Des pages Facebook comme Aurores au sud du Québec ou des applications téléphoniques comme Aurora Alert ou Aurora Forecast peuvent également prévenir l’utilisateur, si des nuits propices à l’observation sont prévues.
Ce qu’on voit à l’œil nu n’est pas toujours le reflet des prévisions. C’est pourquoi il n’y a jamais de certitude quant à l’observation des aurores boréales, et que les déceptions ou les incroyables surprises sont fréquentes – c’est d’ailleurs ce qui rend si excitante leur chasse. Mais si tous les éléments qui suivent sont respectés, habillez-vous chaudement et allez-vous installer confortablement pour espérer observer ce phénomène unique!
Compliqué? Pas tant que ça...
Kamouraska, Bas-St-Laurent © FredPéron Aurora Photography
Pour les plus curieux ou les passionnés, plusieurs données doivent être maîtrisées pour comprendre le phénomène et anticiper d’éventuelles sorties nocturnes, comme la vitesse et la densité des vents solaires, le Bt, le Bz et le Kp. Toutes ces données chiffrées d’activité aurorale sont répertoriées en temps réel sous forme de graphiques sur des sites comme Solarham et Spaceweatherlive.
Pour des aurores boréales visibles jusqu’au sud du Québec, voici globalement ce qu’il faut lire dans les prévisions.
Le Kp est un indicateur des perturbations du champ magnétique terrestre, qui donne grosso modo l’intensité de l’activité géomagnétique. Sur une échelle de 1 à 9 (intensité croissante), il faut atteindre environ 5 pour espérer voir des aurores boréales jusque dans le sud de la province.
Les particules provenant du soleil doivent approcher la vitesse minimale de 450 à 500 km/s et la densité du nuage que forment ces particules doit tourner autour des 8 à 10 protons/cm3.
Le Bt, qui correspond à l’indice de déformation de notre magnétosphère par le nuage de plasma solaire, devra se rapprocher de la valeur de 10 à 15nT, au minimum.
Quant au Bz, il représente la donnée la plus importante : Il indique la direction de l’inclinaison du champ magnétique interplanétaire. Il agit comme un interrupteur : s’il est négatif ou orienté au sud, il laissera les particules solaires entrer dans notre magnétosphère. S’il est positif ou orienté au nord, il fermera la porte aux particules et réduira donc la probabilité d’observer des aurores boréales. À partir des -10nT et au-delà, le Bz devient très intéressant, surtout s’il se maintient pendant plusieurs heures.
Très fluctuant et imprévisible, c’est ce Bz qui détermine la possibilité ou non d’avoir droit à tout un spectacle. Autrement dit, même avec un Kp assez élevé et des données très intéressantes, il y a peu de chances d’assister à des aurores boréales si le Bz reste positif.
Petit guide du chasseur d’aurores boréales dans le sud du Québec
Lac Taureau, Lanaudière © FredPéron Aurora Photography
• Connaître le phénomène.
• Savoir lire les données et les prévisions (Solarham, Spaceweatherlive) et les comprendre.
• Surveiller les prévisions à moyen terme de l’indice Kp, elles seront très utiles pour repérer de futurs et éventuels sites d’observation.
• Consulter les prévisions météo pour cibler les régions avec un ciel dégagé, et surveiller éventuellement les conditions routières (après une tempête hivernale).
• Surveiller l’état de la lune : si elle est pleine, elle nuira beaucoup à l’observation, et il faudra donc prévoir une chasse uniquement si les conditions géomagnétiques sont très intéressantes.
• S’éloigner des sources de pollution lumineuse (consulter par exemple Astrometeo.ca).
• Savoir s’orienter pour trouver une vue dégagée vers le nord.
• Garder patience, même s’il n’y a pas d’aurore ou si elle diminue d’intensité. Il faut donc être prévoyant (porter des vêtements adéquats, apporter des boissons chaudes et de la nourriture…)
• Persévérer et multiplier les sorties dès que les données sont intéressantes, même après dix essais infructueux.
• Croiser les doigts pour un Bz négatif pendant une longue période!
À propos de l’auteur
Originaire de Bretagne, Frédéric Péron est kinésithérapeute de formation. Ayant vécu en Gaspésie ces trois dernières années, cet astrophotographe amateur s’intéresse depuis toujours à l’astronomie et à tout ce qui se passe au-dessus de nos têtes, la nuit. Chasseur d’aurores boréales passionné, il a eu le déclic pour la photographie de ce phénomène lors d’un voyage en Islande, en 2013. Depuis, il a photographié une bonne centaine d’aurores boréales à travers l’Islande et tout le Canada, de la Gaspésie au Yukon en passant par le sud du Québec. On peut consulter ses images répertoriées chronologiquement sur sa page facebook FredPéron Aurora Photography.